Crédit Photo --- UPI / lanacion.cl
Une date comme symbole. Journée de commémoration en Espagne (et fériée depuis un décret de Franco en 1958), le 12 octobre revêt une dimension différente au Chili et dans toute l’Amérique latine. Le début du XXe siècle voit les États-Nations latino-américains célébrer la découverte du « Nouveau Monde » à travers une « Fête de la race ». En Argentine (1917), en Colombie (1921), au Venezuela (1921), puis sur l’ensemble du continent, les gouvernements décrètent une journée fériée pour célébrer la rencontre de deux mondes. Une vision idéalisée, tronquée et construite par une élite financière et politique héritière des colons ibères, que les sociétés civiles contestent désormais.
Depuis une vingtaine d’années, de nombreux secteurs de la population s’opposent à cette Histoire « écrite par les vainqueurs », qui tend à gommer les génocides, les esclavages et les pillages d’un continent. Sous l’impulsion d’organisations paysannes et indigènes, ces commémorations ont été remises en cause à l’échelle continentale. Les gouvernements, sous la pression populaire et/ou en accord avec leur ligne politique et idéologique, transforment progressivement cette célébration en une reconnaissance de la diversité ethnique et culturelle. Depuis 2002, le Venezuela célèbre le début de la résistance indigène. Au Pérou, la commémoration a été remplacée par le « jour des peuples originels et du dialogue interculturel », en 2009. En Argentine, on parle de « journée du respect à la diversité culturelle » depuis 2010, quand l’Équateur fête depuis 2011 la « journée de l’interculturalisme ». Si l’on excepte Cuba, le 12 octobre est l’occasion de célébrations dans toute l’Amérique latine.
Le Chili ne fait pas exception. En 1922, l’européocentrisme se manifeste dans la loi 3810 qui proclame la date fériée pour commémorer « l’anniversaire de la découverte de l’Amérique ». Renommée « Journée de rencontre entre Deux Mondes » en 2000, le 12 octobre est progressivement devenu une journée de manifestations en soutien aux minorités ethniques. Parmi elles, les Mapuches sont les plus nombreux avec près d’un million de personnes se revendiquant de cette culture.
De marginalisés à ... marginalisés
À l’arrivée des colons espagnols, les Mapuches peuplent d’immenses territoires allant du nord de Santiago à l’île de Chiloë. Ils vivent aujourd’hui dans des zones rurales du sud chilien, et beaucoup ont connu l’urbanisation. L’identité de cette population reste très forte, notamment grâce au maintien de ses traditions et de sa langue. La société chilienne a jusqu’à présent échoué dans sa relation avec une communauté Mapuche très souvent marginalisée. Alors que celle-ci cherche un espace au sein de la société, où elle sera reconnue sans être assimilée, où ses traditions et sa culture seront respectées, l’État multiplie les expropriations, les discriminations et les répressions.
Le chemin vers la « modernité » du Chili s’effectue depuis la fin du XIXe siècle au détriment d’une population qui, malgré plusieurs tentatives d’intégration, sera toujours resté en dehors de la nation chilienne. L’entrée du leader indigène, Venancio Coñoepan, au gouvernement de Carlos Ibañez, dans les années 1950, ne permet aucune amélioration. L’Unité Populaire de Salvador Allende apporte un espoir que le coup d’État de 1973 anéantit aussitôt. Alors que la junte militaire multiplie les répressions et tente de désorganiser la société Mapuche en transformant les terres en propriété privée, celle-ci s’organise, affirme sa propre identité et revendique vigoureusement sa culture face à la société chilienne. La fin de la dictature et la transition démocratique permettent la signature d’un accord, en 1989, entre l’État chilien et les organisations représentatives des Mapuches. Il prévoit l’acceptation d’un cadre institutionnel pour leurs revendications, en échange d’une nouvelle législation et de la reconnaissance des Peuples indigènes par la Constitution. Malgré cet accord, les décennies qui suivent n’apportent aucune amélioration à la condition de la population indigène. Le développement de projets hydro-électriques et l’expansion d’entreprises forestières conduisent, à l’inverse, à de nouvelles expropriations. Les conflits avec l’État ont repris avec d’autant plus d’intensité, portés par une jeunesse à la fois Mapuche et occidentale. La vie urbaine, l’accès à l’éducation nationale et à internet transforment les revendications de la population indigène, qui s’inspirent désormais d’autres réalités, d’autres idées. Des revendications plus fortes surgissent, liant aux conflits territoriaux spécifiques des appels plus larges à l’autonomie, à l’auto-détermination, à l’auto-gouvernement.
Le chemin vers la « modernité » du Chili s’effectue depuis la fin du XIXe siècle au détriment d’une population qui, malgré plusieurs tentatives d’intégration, sera toujours resté en dehors de la nation chilienne. L’entrée du leader indigène, Venancio Coñoepan, au gouvernement de Carlos Ibañez, dans les années 1950, ne permet aucune amélioration. L’Unité Populaire de Salvador Allende apporte un espoir que le coup d’État de 1973 anéantit aussitôt. Alors que la junte militaire multiplie les répressions et tente de désorganiser la société Mapuche en transformant les terres en propriété privée, celle-ci s’organise, affirme sa propre identité et revendique vigoureusement sa culture face à la société chilienne. La fin de la dictature et la transition démocratique permettent la signature d’un accord, en 1989, entre l’État chilien et les organisations représentatives des Mapuches. Il prévoit l’acceptation d’un cadre institutionnel pour leurs revendications, en échange d’une nouvelle législation et de la reconnaissance des Peuples indigènes par la Constitution. Malgré cet accord, les décennies qui suivent n’apportent aucune amélioration à la condition de la population indigène. Le développement de projets hydro-électriques et l’expansion d’entreprises forestières conduisent, à l’inverse, à de nouvelles expropriations. Les conflits avec l’État ont repris avec d’autant plus d’intensité, portés par une jeunesse à la fois Mapuche et occidentale. La vie urbaine, l’accès à l’éducation nationale et à internet transforment les revendications de la population indigène, qui s’inspirent désormais d’autres réalités, d’autres idées. Des revendications plus fortes surgissent, liant aux conflits territoriaux spécifiques des appels plus larges à l’autonomie, à l’auto-détermination, à l’auto-gouvernement.
Changer de nom, changer de politique
Depuis 1984, la loi anti-terroriste, instaurée sous la dictature, constitue le mécanisme le plus important pour criminaliser les leaders, membres, activistes ou sympathisants de la cause Mapuche. Les conflits persistent et les prisonniers politiques Mapuches remplissent les cellules dans le sud du Chili. Cela n’empêche pas la communauté indigène de poursuivre sa lutte et ses revendications, en attestent de nouvelles actions la semaine passée.
Ce samedi 12 octobre, plusieurs milliers de personnes les ont rejoints dans leur lutte contre la discrimination et pour la reconnaissance de leurs droits. Des drapeaux Mapuches accompagnaient les slogans pour la libération des prisonniers politiques, et plusieurs personnalités ont défilé dans les rues de Santiago. Comme un symbole, la manifestation fut dispersée par les carabiniers, les gaz lacrymogènes et les camions à eau.
Changer le nom de cette date n’a aucune valeur et traduit l’hypocrisie gouvernementale, alors que la politique à l’égard des populations indigènes reste discriminatoire. Si cette journée illustre les politiques d’intégration des minorités ethniques au Venezuela ou en Bolivie, elle renforce au contraire le sentiment d’exclusion au Chili. Un enjeu de plus, à un mois des élections présidentielles.
Ce samedi 12 octobre, plusieurs milliers de personnes les ont rejoints dans leur lutte contre la discrimination et pour la reconnaissance de leurs droits. Des drapeaux Mapuches accompagnaient les slogans pour la libération des prisonniers politiques, et plusieurs personnalités ont défilé dans les rues de Santiago. Comme un symbole, la manifestation fut dispersée par les carabiniers, les gaz lacrymogènes et les camions à eau.
Changer le nom de cette date n’a aucune valeur et traduit l’hypocrisie gouvernementale, alors que la politique à l’égard des populations indigènes reste discriminatoire. Si cette journée illustre les politiques d’intégration des minorités ethniques au Venezuela ou en Bolivie, elle renforce au contraire le sentiment d’exclusion au Chili. Un enjeu de plus, à un mois des élections présidentielles.